De nombreux enseignements seront tirés de la pandémie du COVID-19 qu’ils soient positifs ou négatifs. Mais ce que l’on constate aujourd’hui en termes de consommation c’est que l’on découvre massivement les circuits courts. Une excellente nouvelle pour Pierre Desprat à la tête de Desprat/Caves Saint-Verny, tempérée par le fait que cette tendance ne concerne malheureusement pas la viticulture. Entretien avec un homme passionné, convaincu de la force de son terroir volcanique et qui surtout…ne lâche rien !
Pierre Desprat comment avez-vous vécu la période de confinement ?
Comme tout un chacun, l’annonce du confinement le 16 mars dernier avec un premier coup de tonnerre samedi 14 annonçant la fermeture des Cafés, Hôtel, Restaurants a généré une énorme inquiétude. En tant que chef d’entreprise, il a fallu réorganiser le travail des équipes, assurer la sécurité de ceux qui pouvaient continuer à travailler, tout en essayant d’avoir une visibilité sur la trésorerie ce qui est extrêmement difficile. Au sein de la filière viticole, la crise sanitaire et ses conséquences impacte encore plus les grandes structures qui ne peuvent plus écouler leur marchandise vers l’étranger et qui font face de ce fait à une grande concurrence à l’intérieur de l’hexagone. La période a été terriblement anxiogène et ce n’est pas terminé car nous serons confinés jusqu’à la réouverture totale de nos clients qui sont pour la plupart dans la restauration y compris sur Paris.
Qu’en est-il des ventes de vin en France actuellement ?
La situation est très critique et les ventes ont dangereusement chuté pendant le confinement. Contrairement à ce que l’on pouvait imaginer avec tous ces apéritifs virtuels mis en lumière sur les réseaux sociaux, le vin en bouteille a subit la crise de plein fouet à l’avantage du cubitainer vendu à petit prix en grande surface. Il est normal que la priorité ait été donnée aux produits alimentaires de première nécessité et que l’on ne se soit pas dirigé tout de suite vers des produits consommés de façon plus exceptionnelle mais aujourd’hui, à l’heure du déconfinement où les moments de convivialité vont doucement reprendre et en toute prudence, il est important de revenir à la consommation de vins locaux.
Dans les grandes surfaces, on assiste à un retour en force de vins de Bordeaux et autres appellations prestigieuses qui ne peuvent plus exporter et qui se retournent vers le marché français à des prix cassés. J’en appelle donc à l’esprit solidaire de tout un chacun pour acheter des vins de son territoire.
La situation en Auvergne
Elle est tout autant alarmante. Nos stocks de vins sont en cuve alors que la période est en temps normal la plus propice à la vente. Je vois arriver avec inquiétude les prochaines vendanges qui s’annoncent d’ailleurs exceptionnelles en qualité de raisins. Comment accueillir cette récolte dans de bonnes conditions ?
L’Europe a refusé la demande de destruction de 3 millions d’hectolitres de vin pour éviter l’effondrement des cours. En revanche le ministère de l’agriculture vient d’accorder une aide à la distillation de 2 millions d’hectolitres de vin qui vont être transformés en alcools (gel hydroalcoolique….).
La priorité pour le moment est de trouver de nouveaux lieux de stockages et cela demande des investissements.
Quelles solutions en Auvergne ?
L’Auvergne est tout autant touchée que les autres régions viticoles de France même si nous nous situons à plus petite échelle. On peut dire que notre filière est en grande difficulté. Notre voix doit être entendue et j’ai le privilège de faire partie de la commission de l’ANIA (Association Nationale des Industries Alimentaires) ce qui me permet de faire remonter au national les problématiques de notre secteur.
Ce que l’on peut souhaiter c’est que les Auvergnats consomment SOLIDAIRE. Les vins d’Auvergne doivent se trouver chez nos cavistes, restaurateurs, dans les rayons des grandes surfaces avant l’été pour que locaux et touristes (que nous attendons nombreux) soient sensibilisés et attirés par des vins au caractère très spécifique, volcanique. Cavistes, fromagers, commerces locaux, tous doivent pouvoir proposer nos vins qui se marient merveilleusement bien avec d’autres produits comme les fromages.
Travailler de concert avec les autres filières de l’agro-alimentaire et mutualiser nos moyens de communication : voilà une piste de travail constructive. Nous avons l’habitude de collaborer avec l’AOP d’Auvergne, nos possibilités d’accords sont infinies !
Comment voyez-vous l’avenir Pierre Desprat ?
« Je suis d’un naturel optimiste et préfère voir le verre à moitié plein que le verre à moitié vide ! »
Pierre Desprat
Les touristes que nous attendons cet été apprécient depuis longtemps ce territoire volcanique qui a une vraie signature. Nous les attendons avec la volonté de recréer du lien social autour du produit plaisir que représente le vin mais également, et c’est très important, avec toutes les mesures barrières assurant la sécurité de tous. Accueillir tout en rassurant, tel sera le défi des mois à venir.
Les vins volcaniques, aux côtés des filières alimentaires, ont une carte à jouer. Nous comptons sur l’achat solidaire des consommateurs !
Stéphanie Bonnet / Rédactrice